
Rapprocher les tables pour un Nouvel Ordre Economique

En fait, il existe déjà dans les faits ce monde « entre-deux » qui réconcilie la confiance, la responsabilité, la solidarité, la communauté et l’activité économique (aspects positifs) mais aussi le repli sur soi, la peur de l’étranger et le grand retour du Village comme vision long terme (pour la face sombre).Où ? Aux Etats-Unis notamment ! Le programme BerkShares, créé il y a deux ans pour la communauté de Berkshire (Massachussets), connaît un vif succès : cette organisation non commerciale a créé sa propre monnaie.
La morale de l’histoire ?
C’est que la refondation du monde financier ne viendra pas des financiers (tout comme les innovations de rupture proviennent très rarement des acteurs en place sur un marché). Surtout, elle ne pourra certainement se faite tant que les conversations se feront en deux points du monde.
Ce modèle est-il généralisable, cela ne semble pas souhaitable mais le principe oui.
La notion de « communauté », glorifiée quand elle porte le sigle « 2.0 » et montrée du doigt quand elle s’affiche réellement, mérite d’être repensée. La communauté c’est l’anti « Terre plate » comme Friedman l’avait repris. Les communautés, ce sont des sortes de petites tables ici et là (pour reprendre la représentation métaphorique du monde de Pablo Neruda dans son Ode à la table), des petites tables qu’il est grand temps de rapprocher pour engager le débat de fond !
Sur les quatre pattes de la table
j’éparpille mes poèmes
étale le pain, le vin, le rôti
(navire noir des rêves)
j’y pose ciseaux, tasses, clous
oeillets, marteaux.
table fidèle
porte-rêve, porte-vie
titan quadrupède.
C’est la table du riche
imposante et caracolante
telle un paquebot fabuleux
chargé d’abondance.
C’est la table du gourmet
belle et bien mise
dans son décor de langoustes gothiques
C’est la table solitaire
dans la salle à manger chez notre tante
quand s’ouvrent les rideaux
et pénètre un rayon de l’été
fin comme une épée
pour saluer sur la table sombre
la paix transparente des cerises.
C’est aussi la table lointaine, la table pauvre
où l’on prépare la couronne
pour un mineur mort,
et de cette table monte l’odeur froide
de la dernière douleur.
Tout près, il y a la petite table
dans cette alcôve sombre
où brûle l’amour et ses incendies
et sur la table
un gant de femme encore tremblant
comme l’écorce du feu.
Le monde est une table
entourée de miel et de fumée
couverte de pommes et de sang.
La table est dressée
elle attend les banquets ou la mort
et nous savons quand
elle nous appellera:
invités à la guerre ou au repas
il nous faut décider
savoir comment s’habiller
pour s’asseoir à la grande table
si nous mettrons les pantalons de la haine
ou la chemise d’amour fraîchement lavée
mais il faut faire vite
on nous appelle déjà:
les enfants, à table !
Pablo Neruda – Ode à la table – « Navigaciones y Regresos » (1959)
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La fin du gratuit et le nouveau contrat économique